MALI/SANCTION….La sanction de la CEDEAO contre le Mali est-elle efficace ? Pas tout à fait, répond l’enseignant-chercheur Moustapha Malloumi, ce 11 janvier

Le dimanche 9 janvier, la CEDEAO a pris des mesures de sanction contre le Mali en représailles au refus des autorités militaires maliennes de tenir des élections dans un bref délai. Quelles seraient les conséquences d’une telle sanction? Les autorités militaires abdigueraient-elles ou au contraire chercheraient d’autre issues de survie? Nous nous sommes rapprochés, ce 11 janvier 2021, de Moustapha Abakar Malloumi, enseignant à l’université de Ndjamena, pour son analyse de la situation

TCHADMEDIA : que vise cette sanction?

MOUSTAPHA ABAKAR MALLOUMI : La CEDEAO vise à, économiquement, asphyxier le pouvoir malien afin de l’obliger à adhérer la position des pays de la sous-région à savoir organiser des élections dans un bref délai et éventuellement remettre le pouvoir aux civils.

TM: asphyxier économiquement, comment cela est possible ?

MAM: à part les produits de première nécessité, médicaux et d’hydrocarbures, la sanction limite les importations et exportations du Mali, puisque l’accès au marché de la sous-région étant fermé; les autorités militaires auront aussi du mal à accéder à leur trésorerie auprès de la banque centrale et idem pour les banques secondaires du pays;

TM: Quelle est la finalité d’asphyxier économiquement le Mali?

MAM: C’est de provoquer, in fine, une explosion sociale, inciter la révolte populaire contre le régime pour ultimement l’obliger à céder le pouvoir.

TM: Dans ce cas, le Mali n’a pas d’autre choix que de se rendre!

MAM: pas tout à fait. Il est vrai que le Mali est un pays enclavé et donc n’a pas de débouchés sur la mer mais il peut compter sur la Guinée, la Mauritanie et l’Algérie pour son accès à la mer. Ces trois pays ont déjà affiché leur solidarité au régime en place au Mali. De ce point de vue, il y a une possibilité d’alternative pour se ravitailler et exporter ses ressources vers l’extérieur.

TM: Peut-on penser que cette sanction ne serait finalement pas efficace, contrairement à ce que semble escompter la CEDEAO?

MAM: Je pense que vous n’avez pas tout à fait tort puisque le Mali peut compter sur un voisin et allié de taille, l’Algérie pour briser l’étau d’isolement que veut lui imposer la CEDEAO.

TM: En quoi le soutien de l’Algérie est important pour le Mali?

MAM: au-delà de cette question de transition, il ne faut pas perdre de vue le rapprochement du régime actuel à la Russie via un accord de sécurité avec une compagnie russe privée dénommée Wagner. Pour la France et ses alliés, pays membres de la CEDEAO, la présence des paramilitaires russes signifierait la possibilité d’un début d’influence russe dans la région. Et l’Algérie a toujours tenu une posture favorable à l’arrivée russe dans le Sahara et le Sahel.

TM: Ah bon? L’Algérie veut voir des russes au Mali?

MAM: Tout à fait. D’ailleurs en septembre dernier, l’Algérie a envoyé une délégation en Russie pour rassurer que le pays est déterminé à fournir de support logistique significatif si la Russie souhaite établir une base militaire au Mali.

TM: Peut-on dire que l’Algérie joue activement un rôle dans le rapprochement entre le Mali et groupe Wagner ?

MAM: Bien sûr. Selon une source militaire algérienne rapportée par le journal algérien Algérie PartPlus, l’Algérie s’est secrètement engagée dans un processus de négociation d’alliance militaire profonde avec le Mali et qu’elle a exprimé son désir de prendre en charge à hauteur de presque 70 % le financement de l’accord liant le groupe Wagner au Mali.

TM: Que gagne l’Algérie qui s’active à voir des russes au Mali?

MAM: La Russie est un grand soutien de l’Algérie dans son différend avec le Maroc sur le statut du Polisario. Elle souhaite depuis longtemps une présence russe dans le Sahara et le Sahel pour contrebalancer l’influence occidentale. La brèche ouverte par le Mali semble constituer une aubaine inespérée.

TM: En definitive, la sanction de la CEDEAO n’aura donc pas l’effet escompté ?

MAM: Très possible. Puisqu’au-delà du soutien de l’Algérie et de la Russie, cette sanction risque de susciter une mobilisation populaire dans la jeunesse et au sein des forces vives des pays de la sous-région. Et de fil en aiguille, les dirigeants des pays membres de la CEDEAO se retrouveraient, à la longue, dans une position inconfortable s’ils continuent à maintenir le Mali sous embargo

TM: merci pour cet éclairage.

MAM: Je vous en prie.

Interview réalisée par Mustapha Hamid Markass

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