Il est pratiquement le premier à avoir fourni des raisons ayant prédit l’impossibilité pour les Transformateurs à obtenir la première place des présidentielles du 6 mai dernier. L’enseignant en Relations Internationales et Communication à l’université de N’djamena et l’université HEC-TCHAD a expliqué, lors d’un entretien accordé à notre journal en ligne le 28 avril dernier, les raisons fondamentales pour lesquelles le candidat Masra ne pourrait gagner cette élection présidentielle. Tchadmedia a décidé de vous republier cette grande interview avec l’enseignant Moustapha Abakar Malloumi
TCHADMEDIA: Beaucoup de voix croient que si Masra s’est déclaré candidat aux présidentielles du 6 mai c’est pour accompagner le candidat Mahamat Idriss Deby Itno. Vous y croyez aussi ?
MOUSTAPHA ABAKAR MALLOUMI: Non pas du tout. Masra n’accompagne pas le candidat Mahamat Idriss Deby Itno mais il y part en rival contre le chef de l’Etat. Cependant tout semble indiquer qu’il serait dans cette course malgré lui.
TM: Comment malgré lui ?
MAM: Vous savez que le parti “Les Transformateurs” est encore jeune et donc n’a pas eu suffisamment du temps pour s’implanter effectivement dans la majeure partie du territoire du pays. De plus, même dans les deux ou trois provinces oú il pourrait se prévaloir une assise politique, il reste encore à savoir s’il a eu suffisamment de temps pour encadrer et faire enrôler ses militants sur les fiches biométriques. L’annonce des élections présidentielles au 6 mai semble pris de court beaucoup de partis dont les Transformateurs pour lesquels une élection vers la fin de l’année serait davantage bénéfique.
TM: Dans ce cas, si son parti n’est pas prêt pourquoi vouloir coûte que coûte participer à ces échéances du 6 mai ?
MAM: La logique dicterait justement dans le sens de ne pas y participer maintenant mais est-ce qu’il a les coudées franches pour y renoncer. Je ne suis pas dans le secret de l’Accord de Kinshasa mais la légalité du parti les Transformateurs et la participation aux échéances futures seraient parmi les principales revendications à satisfaire par les autorités tchadiennes.
TM: Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
MAM: Dès le départ et ce depuis le temps du Maréchal Déby, Masra et ses camarades étaient engagés à travailler sur au moins trois choses : D’abord essayer de résoudre la question de la légalité de leur parti; puis, ils ont aussi développé un narratif faisant état de l’exclusion d’une partie de la population de la gestion politique du pays. Quand Masra parle de “mon peuple, l’espoir, terre promise”, il fait allusion à cette couche qu’il estime exclue de la gestion du pays, et le troisième point est lié à sa participation aux élections. Bref, le premier point est le socle des deux autres: faire reconnaître son parti, aller aux élections et si on gagne, on va régler le problème de l’exclusion.
De ce qui précède, on peut clairement se permettre de croire que l’Accord de Kinshasa ne pourrait pas ne pas faire allusion à ces trois points. D’ailleurs, il est fort à parier que sa nomination au poste de PM répondrait à la logique du point relatif à l’inclusion dans la gestion du pays. ” on vous donne carrément la commande du gouvernement pour gérer le pays”. Comme on soupçonne que l’Accord de Kinshasa devrait réserver une place de choix à la revendication d’une participation de son parti aux prochaines échéances, Masra semble se trouver dos au mur ou pris au piège de sa propre revendication au point de ne pouvoir refuser sa participation à ces présidentielles même si elles sont un peu “anticipées” à son goût.
TM: Si on vous comprend bien, Masra n’a pas d’autre choix que d’aller aux présidentielles du 6 mai prochain même s’il se sait pas assez favoris. Quel sera alors l’enjeu pour lui ?
MAM: L’enjeu pour Masra serait de tout faire pour se positionner comme une réelle force politique face à la coalition. Cela autrement voudrait dire qu’il doit au mieux arracher la 2e place dans les résultats du scrutin de 6 mai, au pire éviter de se retrouver au bas du peloton.Inversement, le camp de la coalition rêverait de voir les Transformateurs occuper les dernières places du classement ou au pire 3e ou 4e place mais jamais 2e place. Le principal enjeu de ce scrutin du 6 mai serait de voir quel rang les Transformateurs vont réussir à occuper après la première place. Réussiront-ils à émerger comme la deuxième force politique après la Coalition ? On attend bien sûr la réponse, le 6 mai.
TM: une dernière question. Si les Transformateurs n’arriveront pas à occuper la deuxième place, Masra continuera à se maintenir comme premier ministre ?
MAM: Je crois que Masra doit mériter son maintien au poste de premier ministre par la lourdeur de son poids politique face à d’autres formations politiques de l’opposition. Il a donc intérêt à se battre pour se positionner comme étant le candidat qui a le plus des voix après Mahamat Idriss Deby. Sinon le prochain président pourrait valablement nommer un premier ministre de son choix.
TM: Merci d’avoir répondu à nos questions
MAM: C’est toujours un plaisir d’échanger avec vous.
Propos recueillis par Moustapha Hamid Markass
www.tchadmedia.com
tchadmedias@gmail.com