RWANDA…Paul Kagamé dit ses quatre vérités sur les Français, la CPI et le pays de l’oncle Sam

Dans une interview accordée à Jeune Afrique (numéro 3090 de juillet 2020), le Chef de l’Etat rwandais dévoile avec fierté les progrès réalisés par son pays sur le plan économique et social. Sans aucune langue de bois, Paul Kagamé met les points sur les “î” lorsqu’il s’agit de clarifier sa position vis-à-vis de la France, de la Cour pénale internationale et de bien d’autres sujets. D’ailleurs contre ses détracteurs, il lance ceci: ” au jugement dernier, j’obtiendrai de meilleures notes que ceux qui osent nous condamner”.
Tchadmedia a sélectionné ci-dessous quelques extraits phares.

JEUNE AFRIQUE: Que répondez-vous à ceux qui, en France, pensent que vous n’aimez ni leur pays ni leur langue en raison du rôle joué par certains responsables français pendant le génocide ?

PAUL KAGAME: Je pourrais répondre à cette question par une autre: les Français aiment-ils les Rwandais et, si oui, pourquoi n’apprennent-ils pas le Kinyarwanda? Je ne vois pas qui est fondé à me demander ce que j’aime ou ce que je n’aime pas, encore moins à exiger de moi que je le considère comme mon supérieur et mon sauveur. Mon ADN, mon éducation, mes luttes, l’histoire de mon pays, celle de l’Afrique font que je n’accepte pas ce type d’injonctions.

JA: L’usage du français progresse-t-il au Rwanda depuis l’arrivée de Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie ?

PK : Ce sont deux choses différentes. Quelque soit l’identité de la personne qui dirige l’OIF, je souhaite que l’usage du français soit plus répandu au Rwanda et que sa qualité s’améliore : jusqu’à, il y a peu, le français parlé communément ici était médiocre. Je souhaite aussi qu’il s’étende à ceux qui, comme moi, ne l’ont jamais parlé.

JA: Fatou Bensouda, la procureure générale de la Cour pénale va être remplacée à la fin de 2020. Quels conseils donneriez-vous à son successeur pour réparer le lien entre la CPI et l’Afrique ?

PK: Ce n’est pas un problème de personne, mais une affaire de réforme structurelle. La CPI a été fondée sur la base d’un consensus et d’un engagement : celui de traiter tous les justiciables sur une base égalitaire. En pratique, elle fonctionne comme si elle avait été créée par les puissants contre les faibles, au point d’en être réduite à une cour oú l’on ne juge que des Africains ou presque. C’est ce qu’il faut changer, en rétablissant les principes fondamentaux.

JA: La mort de George Floyd, aux États-Unis, a suscité une émotion planétaire. Éprouvez-vous de la sympathie pour le mouvement Black Live Matters?

PK: Oui, pour ce que ce slogan signifie, c’est évident. On ne peut pas singulariser le peuple noir et lui dénier ses droits. Pour nous, Rwandais, cette exigence de justice rejoint le combat que nous avions eu à mener. Mais, il y a aussi cette question à laquelle Black Live Matters cherche une réponse et qui nous concerne tous: pourquoi, aux yeux de certains, la vie des Noirs ne comptent-t-elle pas? Quelle en est l’explication, la justification ?

Interview réalisée par François Soudan et Nicholas Norbrook

Source: Jeune Afrique, numéro 3090 du mois de juillet 2020.


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