OPINION….La bêtise de la République. Par Mahamat Bichara Dagas de l’Alliance Socialiste

Après une adoption au forceps du projet de la création de la vice-présidence lors du 2ème forum national inclusif, le Gouvernement vient d’adopter contre toute logique juridique, le projet de loi constitutionnel pour introduire des changements notamment la création du sénat et surtout le poste de vice-président.
Le ridicule vient d’être franchi ce jour où le Tchad inventa le vice-président nommé. Il assure l’intérim du président en cas de vacance du poste pour une durée de 45 jours. Un vice-président de la République désigné par le président de la république. DEBY dira que c’est la France qui a modifié « sa constitution » et lui a demandé de nommer lui – même le vice – président puisqu’il ne se souviendra plus du nom du constitutionnaliste qu’on lui a prêté. Mais les Français ne vont pas se permettre de faire au Tchad ce qu’ils n’ont pas fait en 1848 sous la seconde République. Soit. La sale besogne est approuvée par « les docteurs en droit» du Gouvernement sortis des grandes universités françaises notamment Dr HOUDEINGAR DAVID (ministre de l’enseignement supérieur) et Dr ABDOULAYE SABRE FADOUL (ministre de la santé publique). Ils diront certainement qu’ils ne sont à la manœuvre c’est le projet de Djimet ARABI et SAMIR Adam. Ces deux sont certes des magistrats de haute facture mais un magistrat n’est qu’lecteur des codes, il ne les écrit pas.
Pour rappel, le vice-président est par principe, celui qui incarne la continuité de l’état et, de ce fait, remplace le président de la république en cas de vacance de pouvoir pas seulement pour 45 ou 90 jours mais pour le reste de son mandat. À ce titre, il doit jouir de la même légitimité que ce dernier qui ne peut le révoquer. Inutile de vous dire qu’aucun pays au monde n’a un vice-président « nommé ». le Nigéria, l’Afrique du Sud, le Kenya, la Côte d’Ivoire, … tous ces pays ont des vice-présidents mais ils sont tous élus comme le président de la République. Les algériens ont voulu essayé mais face à la pression des observateurs et des spécialistes du droit constitutionnel, l’article 117 du projet de constitution a été retiré le 09 septembre 2020 pour un projet plus consensuel et plus scientifique.
En effet, la possibilité qu’un vice–président désigné par le chef de l’État devienne lui-même président de la République, en cas de retrait d’un président élu est un non sens. Un homme désigné ne peut se prévaloir d’un poste acquis au suffrage universel ; on risque de se retrouver avec un président illégitime. Ainsi, la nomination d’un vice-président remettra en cause l’essence démocratique même de la loi fondamentale. C’est l’histoire du chameau qui, sans le savoir, piétine tout ce qu’il a durement labouré.

Comble de malheur pour le peuple tchadien, sur la liste de 25 personnes qui composent la commission spéciale mise en place par l’Assemblée nationale, il y a des militaires, des économistes, des professeurs d’anglais et même un docteur en relations internationales « sorti de l’IRIC de Yaoundé » mais pas un seul constitutionnaliste !
Si cette forfaiture venait à passer comme lettre à la poste, le Gouvernement devrait, pour être logique avec sa philosophie, fermer toutes les facultés de sciences juridiques et politiques du pays. Déjà, nous sommes le seul pays au monde qui dispose de deux constitutions toutes en vigueur car quoiqu’on dise, la constitution 1996 (modifiée par celle de 2005) adoptée par référendum, ne peut être abrogée par un simple vote de l’Assemblée nationale.
On est entrain de passer à côté du vrai problème institutionnel de l’ère qui est l’équilibre des pouvoirs entre le parlement et l’exécutif. À l’heure actuelle, le gouvernement n’est pas du tout responsable devant le parlement alors que le président de la République peut le dissoudre à tout moment. Le Tchad gagnerait en efficacité si les constituants renforceraient le pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement et retireraient par la même occasion le pouvoir du président à dissoudre le parlement. Pour l’instant la seule avancée est que DEBY admet enfin le principe de sa succession.

Mahamat Bichara Dagas, président du parti Alliance Socialiste (AS)


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