SANTE: Hôpitaux tchadiens: quand les gardes-malades étouffent les malades

Dans les hôpitaux tchadiens, la scène se répète chaque jour, presque partout. Des couloirs bondés, des salles surchauffées, des allées envahies de nattes et des thermos alimentaires. Ce n’est pas l’afflux de patients qui crée ce chaos, mais la présence excessive des gardes-malades. Ces proches, souvent animés de bonnes intentions, finissent malgré eux par étouffer ceux qu’ils veulent sauver.

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Au nom de la solidarité familiale, chacun veut veiller, nourrir ou assister le malade. On se relaie jour et nuit autour du lit, parfois à quatre ou cinq, dans des espaces déjà exigus. Le geste est noble, mais ses conséquences sont dramatiques. Le calme disparaît, l’air devient irrespirable, les lits sont difficiles d’accès et les soignants doivent se frayer un passage parmi des visiteurs parfois allongés à même le sol.

Face à cette situation devenue incontrôlable, plusieurs hôpitaux ont pris l’initiative d’installer des vigiles à leurs entrées pour limiter les passages et contrôler le nombre d’accompagnants. En théorie, une seule personne doit rester auprès d’un malade. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre. Les consignes sont contournées, les vigiles débordés, parfois même bousculés par des familles déterminées à entrer coûte que coûte. La promiscuité va ainsi régner, les malades suffoquent et les risques sanitaires explosent.

Certaines pathologies traitées dans les hôpitaux tchadiens sont hautement contagieuses, alors que beaucoup de visiteurs les ignorent. Ils touchent leurs proches, changent leurs pansements, leur donnent à manger, souvent sans la moindre protection. Par ignorance ou par amour, ils se mettent en danger et mettent aussi en danger les autres.

Dans plusieurs pays développés, la discipline hospitalière est stricte: un seul garde-malade par patient et des horaires de visite bien encadrés. Loin d’être une scrupuleuse rigueur, cette règle est un gage de santé publique. Elle protège les malades, préserve le calme nécessaire à leur guérison et facilite le travail du personnel médical.

Le Tchad gagnerait à s’en inspirer, non pour copier, mais pour l’adapter avec fermeté et pédagogie dans ses milieux hospitaliers. Les hôpitaux doivent redevenir ce qu’ils sont censés être: des lieux de soins, de silence et d’espoir, et non des halls de famille élargie.

Aimer un malade, ce n’est pas rester collé à son chevet à tout moment, mais lui offrir les meilleures conditions pour guérir.

Parce qu’à l’hôpital, le vrai geste d’amour, c’est parfois simplement de laisser le malade respirer.

Par Taha Gamaradine Taha

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