Le Tchad et le Soudan partagent une frontière longue de 1360 km. Cette frontière coloniale imposée, a été tracée via l’accord bilatéral entre les français et les anglais en 1899.
Cette tracée artificielle, effectuée par des puissances étrangères, n’avait pas pris en compte les réalités sociologiques de l’époque. De ce fait, plusieurs groupes ethniques s’étaient vus imposer cette séparation forcée. A peu près une vingtaine des ethnies.
Cette frontière longue et poreuse était et est facilitatrice de nombreuses insurrections qui avaient fait basculer plus d’une fois, les deux pays limitrophes dans des désordres institutionnels, surtout le Tchad.
C’était de ce Soudan et par le biais de sa frontière que les hommes de Habré, vaincus de la guerre de 9 mois, s’étaient retirés vers lui pour s’organiser, se ravitailler et venir de nouveau prendre le pouvoir le 07 juin 1982.
N’eût été l’autorisation du Soudan de se camper en partie sur son territoire (Koulbous Soudan) et de ses aides logistiques, il serait impossible pour les FAN de renverser en un laps de temps le GUNT et ses alliés.
Aussi, c’était de ce même Soudan et de cette même frontière que les hommes de l’Action du 1er avril avaient trouvé refuge lorsqu’ils quittèrent la nuit le 31 mars 1989 pour se rebeller contre le régime de Habré. Quelle ironie du sort !
De même que Habré qui, à la fin de l’année 1980, avait reçu aides et assistances de ces soudanais pour pouvoir être à tête de cet État, l’histoire s’est répétée avec l’un de ses fidèles lieutants à savoir Idriss Déby.
Si ce n’étaient pas grâce aux entremises du général El Tidjani Ahmat Tahir (numéro 3 du régime soudanais de l’alors et proche parent des insurgés) auprès des Officiels soudanais d’antan pour leur cause et les aides, ô combiens nécessaires, de certains commerçants Darfouris, arrivées à temps, l’Action du 1er avril se serait aussitôt morte. Genre un mort-né.
Tout ça, c’est dire l’importance stratégique du Soudan et parallèlement, de sa frontière pour ceux qui prétendent prendre le pouvoir au Tchad.
Depuis lors et pour les bénéfices des populations civiles logées départ les deux frontières qui ne demandent que la paix et la stabilité, une accalmie s’était installée du début 1991 jusqu’à l’année 2003. Date du déclenchement du conflit du Darfour.
Dès 2003, une bonne partie des populations noires Darfouries (d’ailleurs les autochtones du pays) a protesté contre le régime de Al-Béchir qui le trouvait inapproprié à leur réalité Darfourie.
C’est pour cette raison qu’ils avaient créé simultanément plusieurs mouvements armés tels que le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) de Dr Ibrahim Khalil et l’Armée de libération du Soudan (ALS) de Mini Arkou Minaoui.
Dans la même foulée et désireux de faire sa revanche, le régime de Khartoum a décidé de créer, de toutes pièces les Janjawids. Une milice tribale qui décimera des milliers des populations noires Darfouries innocentes et sans raisons évidentes. Un véritable carnage !
Comme à l’époque des années 80, ces deux mouvements rebelles soudanais faisaient souvent des incursions sur le territoire tchadien pour se ressourcer. Cet état de fait a déplu aux soudanais et par la même occasion ont décidé de renvoyer l’ascenseur au Tchad.
Se faisant, à leur tour, les soudanais ont créé le Rassemblement pour la démocratie et les libertés (RDL) qui deviendra après le Front uni pour le changement démocratique (FUCD). Il était dirigé par le capitaine Mahamat Nour Abdelkerim.
En plus de la création ex nihilo de ce mouvement insurgé, précurseur de la violence armée à l’Est du Tchad à l’entame du 21ème siècle, nous avions observé les arrivées tous azimuts de plus d’un parmi lesquels, le SCUD de Yaya dillo qui deviendra le Rassemblement des forces pour le changement (RFC) de Timan Erdimi ; l’UFDD de Mahamat Nouri ; l’UFCD de Aboud Makay, etc.
Tous ces mouvements armés, rebelles au régime de Deby père, avaient, par leurs attaques répétitives et simultanées des positions des forces gouvernementales se trouvant à l’Est du pays, créé un climat de guerre vivace dans les esprits des populations environnantes. D’ailleurs, même les populations de la capitale N’Djaména, se croyant loins de ces fléaux, n’avaient pas été épargnées de ces violences armées. Vous vous rappelez tous de ces malheureux événements du 13 avril 2006 et du 2 février 2008. La guerre est cruelle !
Quelques années plutard, nous avions crus naïvement que le mal de la guerre qui venait en grande partie du Darfour ou de par sa frontière, était derrière nous. Hélas ! Notre sommeil un peu profond et confiant commence à avoir des sauts des réveils en dents de scie.
Pour quelle raison évidente alors ?
La raison principale de ces réveils sporadiques est due aux affrontements armés et interurbains de Khartoum qui opposent les éléments de <<Dam Al Sari>> de Himedti et à ceux gouvernementaux de Al-Burhan.
Aussi, l’issue de cette guerre intra-soudanaise et loin du Tchad à priori, nous concerne-t-elle réellement ?
Sur ce, notre réponse devrait être imagée pour ne point être perçue comme partisane.
Al-Burhan qui n’est pas d’origine Darfourie et que ses priorités seraient largement étrangères à cette province voisine ainsi qu’au Tchad, ne pourrait être, dans un futur proche ou lointain, une menace sérieuse pour ce dernier.
Vive la paix au Soudan tout comme au Tchad !
Post publié le 17 avril 2023 et vivement d’actualité étant dit que le conflit armé s’est déplacé en grande partie au Darfour. Chose que le gouvernement central de Khartoum a voulu depuis le début de la guerre.
Les Darfouris, dans leur ensemble, n’ont aucun intérêt immédiat ou lointain à tirer de cette guerre fratricide. Dans peu de temps, ils sortiront tous exsangues et, parallèlement, ceux de l’autre rive du Nil viendront les achever collectivement pour pérenniser leur domination sur le Darfour et pour longtemps encore.
Ces forces qui sortiront vivants, viendront se réfugier au Tchad et augmenteront le nombre de ces derniers déjà pléthorique.
La guerre n’a jamais résolu un problème durablement surtout en Afrique.
Mahamat Sougui Bié