Interview… L’an 2 de l’accord de Doha : l’heure est au bilan

Tchadmedia a accordé un entretien au Conseiller National ABDELMANANE Khatab, Président du Groupe Parlementaire LPU (Le Peuple Uni) au Conseil National de Transition, relative au deuxième anniversaire de la Signature de l’Accord de Paix de Doha.

1- TCHADMEDIA : Quel bilan dressez-vous de l’anniversaire de l’accord de Doha ?

ABDELMANANE Khatab : Permettez-moi de vous adresser au préalable mes remerciements pour m’avoir accordé cette interview.
En effet, elle vient à point nommé. Le 8 août 2022 à Doha au Qatar, fut signé l’Accord de Paix entre le Gouvernement et les Ex-Mouvements Politico-militaires du Tchad. Dresser le bilan de bientôt deux années n’est pas aisé car un tel délai semble paradoxalement à la fois court mais aussi long selon la densité et la complexité du projet à réaliser.
De nature optimiste, j’affirme avec certitude que si l’on prend en considération l’environnement conflictuel et d’instabilité politique qui caractérise notre voisinage immédiat, il est possible de se satisfaire de cette accalmie apparente qui caractérise notre pays depuis la signature de cet accord.
Grâce à cet Accord de Paix, notre pays a été épargné des guerres fratricides, des filles et fils de ce pays qui se regardaient en ennemis ont enfin accepté de fumer le calumet de la paix en mettant en avant ce que nous avons en commun, le Tchad de nos ancêtres, un peuple millénaire.
Cet accord a permis aussi l’organisation d’une élection générale qui a maintenu à la tête du pays l’acteur principal de cet accord, donc de ce retour à la paix. Quelle que soit les critiques qu’il est possible d’émettre sur l’imperfection de notre processus électoral, on peut considérer la simple tenue de cette élection comme un succès pour ce Tchad venu de loin.
Il ne faut cependant pas dormir sur nos lauriers. La paix et l’unité nationale auxquelles nous aspirons restent encore fragiles, les menaces d’instabilité permanentes et les tentations à l’exil sont encore présentes chez de nombreux anciens camarades.
De nouveaux et grands chantiers restent à déblayer, notamment tout ceux relatifs à la lutte contre les inégalités de toutes sortes, ancien politico-militaire, arabophones/francophones, nord/sud, pour ne citer que ces lignes de clivages qui peuvent faire l’objet d’instrumentalisation politique.
Pour en revenir à l’accord de Doha, il a été un grand moment. Il a porté la barre très haut. Mais il faut le rappeler d’autres compatriotes ne l’avaient pas signé. Nous autres devons continuer à tendre la main à ces derniers pour un retour définitif à la paix, pour la disparition de toute forme de menace.
Le Qatar a joué pleinement sa partition dans ce processus de retour à la paix. Depuis lors sa présence semble timide dans le suivi des accord, c’est aussi le cas pour le reste de la communauté internationale. On doit travailler ensemble au suivi de cet accord et surtout à obtenir du Qatar un accompagnement dans la mise en œuvre de certains engagements et au développement du pays.

2- TCHADMEDIA : Est-ce que vos conditions pour la paix et le retour au pays ont été respectées par le gouvernement ?

ABDELMANANE Khatab : Cette question récurrente à tous les Accords possibles entre Parties contractantes ne saurait échapper à celui de Doha. Comme je l’ai souligné plus haut, la notion de respect ou du non-respect d’un accord est objectivement sujette à la complexité inhérente aux différents points contenus dans le document.
Revenons à l’exécution de certains points de l’Accord de Paix de Doha. Il serait injuste d’affirmer que rien n’a été réalisé, ni dire que tout a été réalisé. En toute objectivité, il y a eu des points qui ont été réalisés en totalité, ceux en cours et enfin d’autres nécessitent une certaine durée car leur mise en route exigent des préparatifs plus complexes et longs. C’est le cas notamment du DDR (Désarmement-Démobilisation-Réinsertion) que les guerres dans les pays limitrophes (Soudan et Libye) complexifient malheureusement la mobilité et le recensement des Combattants. Enfin, il serait utile de rappeler que dans l’Accord de Paix de Doha, le DDR décline deux (2) volets en l’occurrence le volet militaire (Combattants) et l’autre les Cadres civils tous Membres des Mouvements Politico-militaires. Les membres de ces deux entités : les Combattants et Cadres civils doivent être intégrés concomitamment dans l’Armée et à la Fonction publique.
La Commission technique en charge du DDR ne doit négliger aucun volet. Les jeunes cadres Civils de toutes les spécialités végètent dans le chômage à l’instar de leurs frères Combattants. Ces Compétences sont indispensables pour le développement du Tchad qui manque cruellement des cadres.

3- TCHADMEDIA: Où se trouvent actuellement vos hommes, c’est-à-dire vos soldats ?

ABDELMANANE Khatab : Je réitère que les guerres dans les deux pays limitrophes (Soudan et Libye) complexifient la réalisation du DDR pour les raisons susmentionnées.
J’attire l’attention de la Commission technique chargée du DDR de s’atteler dès à présent à s’adresser à tous les Mouvements Politico-militaires signataires de l’Accord de Paix de Doha d’accélérer la procédure d’intégration des Cadres civils déjà présents à N’Djaména parmi lesquels certains venant de Doha n’ont à ce jour aucun travail. Ils subissent les affres du chômage.

4- TCHADMEDIA : Ne regrettez-vous pas d’avoir signé cet accord ?

ABDELMANANE Khatab : Jamais car la Paix pour notre Peuple victime des guerres fratricides, n’a pas de prix.

5- TCHADMEDIA : Quel message souhaitez-vous adresser à ceux qui sont à l’extérieur pour les inciter à regagner le pays ?

ABDELMANANE Khatab : Écoutez, nous avons combattu dans l’opposition extérieure pendant plusieurs décennies les différents régimes. Faisons-en toute objectivité le bilan de cette lutte et surtout de répertorier les changements substantiels induits par ces derniers dans le bien-être des populations. Ne serait-il pas logique de changer de paradigme en regagnant le pays afin d’impulser des avancées minimes soient-elles pour les Peuple ?
À cet effet, je souhaiterais vivement que nos frères en exil qui hésitent encore saisissent l’opportunité de la main tendue du Président Mahamat Idriss Déby Itno (MIDI). Ensemble à l’intérieur du pays nous pourrions contribuer concrètement à la construction du pays.
Je terminerai pour citer ces écritures qui rappellent qu’il y a un temps pour tout, un temps pour la guerre, un temps pour la paix. Le temps d’aujourd’hui est celui de la paix et de la construction d’un Tchad nouveau.

TCHADMEDIA : Conseiller Khatab Merci
ABDELMANANE Khatab : Merci à vous
Interview réalisée par Galami Ahmat Galami