
OPINION : Présidence de la BAD: pourquoi Abbas Mahamat Tolli est le candidat le plus crédible ?
Par DOURANDJI Jean Martin, économiste En décembre dernier, Madame Fatimé Haram Acyl, ministre déléguée aux Finances, au Budget, à l’Économie et au Plan, procédait au siège de la Banque africaine
Par DOURANDJI Jean Martin, économiste
En décembre dernier, Madame Fatimé Haram Acyl, ministre déléguée aux Finances, au Budget, à l’Économie et au Plan, procédait au siège de la Banque africaine de développement (BAD) à Abidjan au dépôt officiel de la candidature d’Abbas Mahamat Tolli pour la présidence de cette institution financière africaine. Cette étape venait confirmer officiellement les ambitions du Tchadien à ce poste tant convoité. En février, la BAD rendait public la liste des candidats à la course. Cinq noms sont retenus dont celui de l’ancien gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Abbas Mahamat Tolli, candidat hautement expérimenté aux compétences et bilans salués fait figure de favori.
Une expérience remarquable
Diplômé en administration et gestion des affaires de l’université du Québec puis de l’ENA de Paris, Abbas Mahamat Tolli a dès le début des années 2000 débuté une carrière impressionnante qui l’a amené à diriger des institutions nationales et sous-régionales. Le parcours de cet homme de 53 ans commence en tant que Directeur général des douanes et droits indirects. À cette époque-là son pays n’était pas encore producteur de pétrole mais celui qui sera plus tard gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique centrale (BEAC) a su collecter avec efficacité les recettes de l’exportation du coton et du bétail sur pied. Ce qui a contribué à limiter les grèves liées aux salaires impayés très courants en ces moments.
Aux âmes bien nées la valeur n’attendant point le nombre d’années, Abbas Mahamat Tolli est passé Directeur de cabinet civil à la présidence du Tchad à seulement 31 ans avant de séjourner une première fois dans le gouvernement entre février 2005 et mars 2008 devenant tour à tour secrétaire d’État aux Finances, Ministre des Finances puis Ministre de l’Économie, des Finances et du Plan. Pendant deux ans entre juin 2008 et 2010, Abbas Mahamat Tolli est secrétaire général de la BEAC. Un couronnement plutôt logique et amplement mérité au vu de son parcours jusque-là ascendant. Suite à la restructuration de l’institution cette année, le Tchadien quitte son poste et séjourne pour la deuxième fois au gouvernement dans son pays. Il est alors Ministre des Infrastructures et de l’Équipement entre 2011 et 2012. Cette période a vu de nombreuses grues s’élèver dans le pays lui assurant la gestion d’un important portefeuille.
Abbas Mahamat Tolli a été également secrétaire général de la COBAC l’organe de régulation du secteur bancaire de la CEMAC puis président de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) l’équivalent de la BAD de la sous-région. Cette dernière expérience lui est très importante car les deux institutions, la BAD et la BDEAC ont des missions similaires bien qu’exerçant à des échelles différentes.
Abbas Mahamat Tolli qui a accumulé une riche expérience en tant que gouverneur de la BEAC se distingue de ses concurrents par le fait d’avoir occupé des postes ministériels et dirigé des institutions communautaires de premier plan.
Son parcours est en effet sans équivalent parmi ses concurrents qui n’ont pas un profil aussi complet.
Le candidat du consensus
Les chefs d’État de l’Afrique centrale (CEMAC et CEEAC) ont unanimement apporté leur soutien au candidat Abbas Mahamat Tolli. Ce consensus rare pour un candidat à une élection de cette envergure marque la confiance qu’ont les dirigeants en l’ancien gouverneur. Tout aussi rare, et comme l’a d’ailleurs si bien rappelé le candidat, aucun ressortissant de l’Afrique centrale n’a dirigé cette institution africaine depuis sa création en 1964. Or, la région est l’une des plus riches en ressources du continent et où les défis sont tout aussi importants. Parmi lesquels le chômage, les faibles accès à l’électricité, aux soins de santé, à l’éducation, etc.
Le Cameroun avait un temps songé à présenter son propre candidat mais y a renoncé finalement. Yaoundé ne souhaitant pas casser l’unité affichée d’une part, mais aussi d’autre part du fait de l’improvisation de la candidature de son poulain.
Si Abbas Mahamat Tolli est adoubé par l’Afrique centrale, l’Afrique de l’ouest quant à elle montre des signes de friction avec deux candidats. Tout comme l’Afrique australe qui comptent sur…deux candidats !
Ses bilans parlent en sa faveur
L’ancien gouverneur de la BEAC à plus de chance de remporter le vote du conseil des gouverneurs que ses adversaires. Il a un programme et des bilans positifs partout où il est passé.
Son septennat à la BEAC exercé dans un contexte de crise quasi-permanente, choc pétrolier, COVID, crises sécuritaires, menaces de dévaluation, n’a pas empêché le gouverneur d’afficher un résultat positif. Abbas Mahamat Tolli a en effet fait exploser les activités du marché des titres publics de la sous-région jusque-là dormant, dont l’encours a connu une hausse de près de 515%. Il a ensuite obtenu un bénéfice record à l’institut d’émission de la CEMAC soit 310 milliards de francs CFA en 2023. Un résultat jamais atteint par cette banque centrale en plus de 50 ans d’existence ! À son entrée en fonction en 2017 alors que les réserves de change étaient au plus bas, représentants seulement 1,9 mois d’importations, Abbas Mahamat Tolli laisse un bilan de 4,8 mois d’importations à son successeur.
L’une des particularités d’Abbas Mahamat Tolli c’est qu’il a toujours exercé dans un environnement générale peu favorable en raison des différents chocs. Ce qui ne l’a pas empêché d’avoir des résultats.
À la BDEAC, Abbas Mahamat Tolli a obtenu des résultats aussi convainquants. En 2015, les décaissements au titre des projets ont atteint 55,238 milliards de francs CFA en hausse de 26,7% par rapport à 2014. Une série de réformes mises en place dans le cadre du plan intérimaire a permis de réduire le déficit des ressources et a assuré à la BDEAC un fonctionnement conforme aux bonnes pratiques internationales. Par ailleurs sous son mandat, l’institution a maitrisé les risques à travers une collaboration étroite avec des partenaires locaux et internationaux. Aussi, dans le cadre de la mobilisation des ressources, sous l’impulsion d’Abbas Mahamat Tolli, la BDEAC a renforcé sa coopération avec la Banque de développement de Chine et d’autres partenaires permettant d’ouvrir de nouvelles lignes de crédits et de diversifiér ses ressources financières. Et c’est logiquement qu’après ces efforts, qu’au terme de l’exercice 2015, la BDEAC enregistre un résultat net bénéficiaire de 1 978 milliards de francs CFA en hausse de 27% par rapport à l’exercice précédent. À son départ, Abbas Mahamat Tolli laisse plusieurs indicateurs de la BDEAC au vert.
Son programme pour la BAD est en phase avec les défis de l’heure. Le candidat compte s’attaquer pêle-mêle aux défis du continent. Il prévoit mobiliser davantage de ressources, renforcer les partenariats, transformer localement les matières premières. Aussi dans le contexte de mise en place de la Zlecaf, Abbas Mahamat Tolli prévoit densifier les infrastructures pour favoriser l’intégration du continent. Les questions de la bonne gouvernance, du capital humain, du changement climatique figurent en bonne place dans son agenda. Tout ceci faisant d’Abbas Mahamat Tolli un candidat complet pour réussir brillamment à ce poste très stratégique.