#INTERVIEW_TCHADMEDIA

#GRANDE_INTERVIEW_TCHADMEDIA : Votre journal Tchadmedia a eu le plaisir d’interviewer Leslie Varenne, journaliste d’investigation, spécialiste de l’Afrique, cofondatrice et directrice de l’IVERIS (Institut de veille et d’étude des relations internationales et stratégiques), ainsi qu’écrivaine, dont l’ouvrage est intitulé “Emmanuel au Sahel : itinéraire d’une défaite”.

Lors de cet entretien, Leslie Varenne a répondu à nos questions concernant les dernières déclarations du président français Emmanuel Macron sur l’Afrique.

#TCHADMEDIA: Comment avez-vous interprété les récentes déclarations d’Emmanuel Macron sur l’Afrique ?

LESLIE VARENNE : Emmanuel Macron a un rapport tout à fait singulier et personnel à la réalité, il contorsionne les faits pour transformer les échecs en réussites. Cette méthode ne s’applique pas seulement au continent africain, elle s’applique partout et notamment en politique intérieure. Cependant, en Afrique, compte tenu de l’histoire passée et récente cette manière de faire et le ton employé jettent de l’huile sur le feu au lieu d’apaiser les relations. Les réactions qui ont suivi son discours devant les ambassadeurs qu’elles viennent des autorités tchadiennes ou sénégalaises ou encore des commentaires sur les réseaux sociaux le montrent. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois. Après le coup d’Etat au Niger en juillet 2023, ses propos tenus aussi lors de la conférence des ambassadeurs avaient aggravé la crise entre les deux pays.

#TCHADMEDIA: Macron a qualifié les africains des « ingrats », quelle a été votre première réaction ? Pensez-vous que cette affirmation est vraie ?

LESLIE VARENNE : Ma première réaction a été de me souvenir d’une note que j’avais écrite en novembre 2020 après un entretien d’Emmanuel Macron à Jeune Afrique qui avait déclenché un torrent de colère dans plusieurs pays africains.  Cet article s’intitulait « Emmanuel Macron ou l’insoutenable légèreté de l’être » et je commençais par cette phrase : « Consternation, sidération, colère, abattement, c’est ce mélange d’émotions que provoquent les propos du Président français. » L’histoire se répète… Quant à l’ingratitude, je n’ai pas compris ce que le Président voulait signifier avec la formule « l’ingratitude est une maladie non-transmissible à l’homme ». Cependant, dans ce contexte, il paraît important de rappeler que l’armée tchadienne a répondu aux appels de l’armée française pour combattre à ses côtés lors de l’opération Serval au Mali en 2013 ou encore pour renforcer les rangs du G5 Sahel.  Aborder ces questions de gratitude de remerciements est toujours une arme à plusieurs tranchants qui peut revenir en boomerang. En 2013 à Gao, François Hollande avait, par exemple, déclaré : « nous sommes venus payer notre dette » en faisant référence aux soldats maliens engagés aux côtés de la France lors des deux guerres mondiales.  Il est également insidieux de réécrire l’histoire et dire  comme le fait Emmanuel Macron, que sans l’intervention française au Sahel, ces Etats ne seraient plus souverains. Qui sait ce qui aurait pu avoir lieu ?

#TCHADMEDIA: Selon vous, la France a-t-elle subi des revers dans ses relations avec le continent africain ?

LESLIE VARENNE : La question ne se pose pas, les faits parlent d’eux-mêmes. La manière dont le Tchad et le Sénégal ont demandé la fermeture des bases dans leur pays respectif est le dernier exemple en date. 

#TCHADMEDIA: Que pensez-vous qu’Emmanuel Macron entend par le fait que la France n’est pas en recul en Afrique ?

LESLIE VARENNE : Dans son discours, Emmanuel Macron fait référence au Bénin et au Nigéria. Pour le premier pays, il évoque une « relation inédite » pour le second « un partenariat stratégique de défense, désinhibé ». Il annonce donc de nouvelles coopérations militaires sans vraiment les expliciter. Un autre point  important de son allocution concerne le Maroc qui serait selon lui « un de nos relais à l’égard d’une approche africaine réinventée. » Est-ce à dire que le Maroc deviendrait un proxy diplomatique de la France en Afrique ? Tout cela n’est pas encore très clair.
Le Président français se projette aussi vers l’Afrique anglophone, Kenya, Ethiopie, Afrique du Sud, où les relations sont plus faciles car par empreintes d’un passé complexe et douloureux. Mais vis-à-vis de ces pays il s’agit essentiellement d’échanges commerciaux. Je pense que ce sont tous ces exemples qui lui permettent de dire que la France n’est pas en recul en Afrique.

#TCHADMEDIA: Macron a parlé de réorganisation, quelles stratégies ou changements pensez-vous qu’il pourrait envisager pour la France en Afrique ?

LESLIE VARENNE : D’une certaine manière, cette réorganisation c’est déjà produite, à l’insu de son plein gré. Hormis le Gabon, la Côte d’Ivoire avec qui les réductions d’effectifs ou la fermeture des bases se sont faites en douceur et Djibouti qui a un statut particulier, tous les autres pays ont demandé le départ des forces françaises. Ensuite, s’agissant des nouvelles stratégies, ce sont probablement les derniers accords avec le Bénin et le Nigéria.

#TCHADMEDIA: À votre avis, quelles devraient être les priorités de la France pour renforcer ses relations avec les pays africains à l’avenir ?

LESLIE VARENNE : Les maîtres mots pour garantir des relations de long terme apaisées et bénéfiques entre deux Etats sont sans aucun doute la diplomatie et le respect.

LESLIE VARENNE : Le plaisir est partagé.

Entretien réalisé par Galami Ahmat Galami

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