”Sans justice, il n’y aura pas une bonne réconciliation,” Mahamat Bichara, président de l’Alliance Socialiste (A.S).

Après la mise en place du Conseil Militaire de Transition (CMT) suite au décès du chef de l’État Idriss Deby Itno en avril dernier, l’on doit tirer un bilan.
C’est dans cette logique que le Président du parti Alliance Socialiste (A.S) a accordé un entretien exclusif à Tchadmedia. L’homme politique analyse la situation actuelle de notre pays tout en tirant un bilan multidimensionnel
des 100 jours du CMT à la tête du pays.

TCHADMEDIA : Quel bilan faites-vous des 100 jours du CMT à la tête du Tchad ?

MAHAMAT BICHARA : Après le décès du chef de l’État, le CMT s’est installé. Il a promis la transition de 100 jours. Pour une transition c’est suffisant. À travers la transition, l’objectif est d’organiser le dialogue national pouvant conduire à des élections libres, transparentes et démocratiques. La question du dialogue est la plus importante. Tout ce qui reste est accessoire.
C’est vrai qu’il ya un premier ministre qui a été nommé avec l’arrivée d’un ministre chargé de la réconciliation nationale.
Ce que l’on note, depuis trois mois il ya eu un décret portant création du comité d’organisation du dialogue national inclusif. Mais l’on constate que jusqu’à ce jour, ce comité n’a pas été mis en place. En ma connaissance, trois mois auraient déjà suffi pour l’organisation de ce dialogue. Cela prouve que nous avons passé 100 jours pour rien. Car le dialogue est une urgence. Malheureusement, on est encore au début. Nous espérons que les choses iront très vite. Je pense qu’il que s’il faut tirer un bilan, nous sommes encore autour de 20% de la réalisation du CMT sur tous les plans.

T.M : Ce jour 29 Juillet 2021, une autorisation de marche pacifique a été accordée à la coordination citoyenne Wakit Tamma. Pensez-vous qu’une nouvelle ère démocratique souffle sur le Tchad ?

M.B: C’est déjà une avancée lorsqu’on dit qu’il faut écrire au ministère en charge de la sécurité pour informer qu’on autorise une marche. Mais néanmoins, je pense qu’il ya aussi un manquement. C’est à dire quand quelqu’un vous autorisd, il peut aussi vous en empêcher.
Nous nous réjouissons que le ministère de la sécurité publique a autorisé une marche. Nous oublions que la liberté de manifester est une liberté constitutionnelle qui ne doit souffrir d’aucune entrave. Les seules restrictions qu’on peut porter à la liberté constitutionnelle c’est lorsqu’elles sont contraires à l’ordre public. Lorsque nous nous focalisons seulement sur les autorisations de manifester, cela veut dire qu’il ya toujours des failles. Nous voudrions que les autorités libéralisent la marche qui est une liberté constitutionnelle.

T.M: La situation sociale de notre pays semble toujours être difficile pour les diplômés sans emplois. Êtes-vous d’avis avec le ministre de la fonction publique dans sa déclaration selon laquelle la fonction publique est saturée ?

M.B: Je pense qu’il faut lire entre les lignes les faits. Est ce qu’on peut réellement dire que la fonction publique est saturée ? J’en doute fort. Il ya certes des problèmes budgétaires. Il peut aussi avoir des contraintes d’engagement auprès des partenaires. C’est ce qui va obliger le gouvernement à maîtriser la masse salariale. Mais nous ne pouvons pas dire que la fonction publique est saturée. Aujourd’hui, dans tous les domaines, il ya des manquements. Nous avons vu l’évaluation des besoins en personnel qui était faite au courant de l’année 2020 à travers la promesse du chef de l’État à intégrer 20.000 jeunes à la fonction publique. Ça veut dire qu’il ya une demande, il n’ya pas de saturation. Les demandes sont réelles. Regardez les administrations, les écoles, les hôpitaux… le manque en personnel est criard. Nous avons 112 départements. Est ce que tous ces départements ont des personnels qualifiés ? Je ne suis pas sûr.
Parfois vous aller trouver un préfet qui a à peine un secrétaire. Et le reste, comment peuvent-ils combler le vide ?
Au-delà de toutes ces dérives, il faut aussi évoquer le problème de l’orientation de nos enfants. Dès l’instant où l’enfant ne peut pas continuer à aller à l’école il faudrait lui proposer quelque chose de techniques vers lequel il est prédestiné.

T.M: Quel avenir Politique prévoyez-vous ?

M.B: L’avenir du Tchad est optimiste dans ce sens que les cartes sont rabattues. Et aujourd’hui il nous faut réussir la tradition. Et c’est de là que dépend l’avenir du pays. Le nerf de la transition c’est le dialogue national. Si nous ratons le dialogue, nous allons encore nous replonger dans la situation que nous vivons actuellement. Il faut corriger les erreurs. C’est à partir de ce moment que nous allons rebâtir une nouvelle nation avec des nouveaux instruments qui peuvent nous permettre de protéger une autre démocratie et se lancer dans la voie du développement. Certes en ce moment, il ya une faiblesse des acteurs politiques. Au delà de la course au pouvoir, il faut qu’on bâtisse notre pays par des bases solides qui puissent nous conduire à des élections démocratiques. C’est en ce moment que le Tchad sera dans la bonne voie.

T.M: Comment va votre parti l’alliance socialiste ? Quels sont ses projets pour les futures échéances électorales ?

M.B: Le parti va bien. Nous nous préparons pour les futures élections. Ce que nous craignons et qu’il faut éviter, c’est le fait qu’on ait fait un choix, celui de boycotter les élections présidentielles passées. Or, en boycottant les élections, le risque qu’on court, c’est la démobilisation des militants. Nous allons exploiter les 18 mois et faire asseoir le parti pour des nouvelles stratégies pour les échances électorales futures.

T.M: À votre avis, le mandat de transition de 18 mois sera-t-il respecté ?

M.B: Les 100 jours nous auraient déjà suffi pour organiser le dialogue. Alors que rien n’est encore fait. Si déjà on réussit à organiser le dialogue au courant de l’année 2021, nous mettrons fin à la transition. C’est vrai que nous avons un toilettage à faire. C’est le véritable défi.
Le deuxième défi, c’est la reprise des recensement électoral. Par ce que dans le passé ça n’a jamais été fiable. Avec les bonnes volontés, on suppose que la transition prendrait fin en 18 mois. Je ne vois aucun point de blocage.

T.M: Que pensez-vous du dialogue national inclusif qui se prépare dans les prochains jours ? Croyez-vous à la réconciliation nationale ?

M.B: C’est la question la plus complexe. On ne peut pas parler de la réconciliation nationale tant qu’on ne s’ouvre pas le cœur, qu’on ne se dit pas la vérité, la réconciliation ne sera pas possible. Cette réconciliation, nous devons tenir compte de tous les aspects politiques, sociaux, économiques, culturels…
Nous avons vécu 30 ans de silence où les cas graves ont été constatés et commis il n’ya pas eu de justice. Tant qu’il n’ya pas de justice, il n’ya pas de réconciliation. Il ya Des graves crimes économiques qui ont été commises, il faudrait qu’on les répare. Quand tous ces paramètres seront toilettés le dialogue sera aussi possible. Il faut que le CMT invite toutes les couches sociales également au dialogue.

T.M: Le CMT appelle les hommes politiques exilés à rentrer au pays pour le reconstruire. Que voyez-vous en cette politique ?

M.B: On ne peut pas faire la politique tant que les gens ont peur de rentrer dans leurs pays. Le véritable problème ce sont des exilés politiques. Imaginez que quelqu’un qui fait une dizaine ou vingtaine d’années à l’extérieur qui n’arrive même pas à assister au deuil de l’un de ses proches. Il n’ya pas plus craignant que ça.
Chacun cherche à avoir la garantie pour sa sécurité, pour sa survie.
Au retour des exilés, ils leur faut des emplois ici sur place pour substituer à leurs activités là-bas. Il faut la continuité de leurs affaires. Je pense que le CMT a défini cela dans sa feuille de route.

Entretien réalisé par Teyane Bertrand

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