L’expert en politique américaine, Moustapha Malloumi explique la procédure de destitution de Donald Trump

Depuis quelques mois le président américain Donald Trump fait face à une enquête qui vise une procédure de sa destitution enclenchée par les démocrates. Une étape cruciale de ce processus va être franchie ce mercredi 4 décembre 2019 par l’organisation de la première audience de la commission judiciaire de la Chambre des représentants du Congrès américain. Le compte à rebours pour la destitution de Donald Trump aurait-il commencé? Rien n’est encore sûr. Pour tenter de mieux comprendre cette affaire juridico-politique qui secoue depuis quelques mois la grande puissance mondiale, Tchadmedia s’est approché de l’expert en politique américaine Moustapha Abakar Malloumi pour en savoir davantage. En 2008, monsieur Malloumi avait organisé, à la Télé-Tchad, un débat sur les élections américaines, animé pendant deux mois, à la RNT, une chronique sur le même sujet et un article percutant sur la victoire d’Obama dans le journal Le Progrès.

Tchadmedia : monsieur Malloumi, bonjour !

Moustapha Abakar Malloumi : bonjour !

TM : qu’est-ce qui se passe aux Etats-Unis ?

MAM : la Commission de renseignement de la Chambre des représentants (députés) des Etats-Unis, dirigée par le Démocrate Adam Schiff est en train de rédiger ses recommandations sur la base des informations recueillies durant deux semaines d’audition publique des diplomates, des cadres du ministère des affaires étrangères et de l’administration Trump. Cette audition publique, menée en novembre dernier a été précédée d’une autre à huis clos qui s‘était déroulée au mois d’octobre 2019. Ces deux auditions ont été instruites par le « Speaker » ou la présidente du Congrès américain Nancy Pelosi, le 24 septembre 2019. Mme le Speaker a ordonné à la Commission de renseignement de procéder à une enquête devant mener à une procédure de destitution du président Trump.

Qu’a fait le Président Trump pour mériter une telle enquête ?

Les démocrates accusent le président américain d’avoir utilisé l’aide américaine (392 millions de dollars) destinée à l’Ukraine pour contrer l’influence de l’armée pro-russe, pour solliciter une faveur politique : il aurait sollicité du président ukrainien de diligenter une enquête de corruption contre une entreprise en Ukraine mais liée à Joe Biden qui est, par ailleurs, son potentiel rival aux élections de novembre prochain. L’affaire a été révélée au grand jour par un agent de l’administration Trump. Ce « Withstleblower », le lanceur d’alerte, requiert de facto un statut qui lui permet d’être protégé par la loi américaine, The Withtleblower Protection Act.

Qu’est-ce qui va se passer maintenant ?

Les membres de la commission de renseignement vont se retrouver ce mardi 3 décembre pour lecture et adoption de leurs recommandations qui seront transmises par la suite à la Commission judiciaire dirigée par Jerry Nadler. Cette dernière va tenir sa première série de sessions ce mercredi 4 décembre pour statuer sur les recommandations de la Commission de renseignement. Si elle trouve, au bout de ses sessions, qu’il y a suffisamment de charges contre Donald Trump, elle rédigera la disposition qui permettra le déclenchement de la procédure de mise en accusation ou de destitution. Autrement dit, elle va donc déposer ou non des chefs d’accusation contre le président. Si on se fie à la tendance actuelle, tout semble pencher vers un dépôt de chefs d’accusation.

Qu’est-ce que c’est cette procédure de destitution ?

C’est une procédure constitutionnelle à travers laquelle le Congrès peut déterminer si un président dispose ou non de la légitimité d’exercer son mandat présidentiel. Et si les charges militent en défaveur du président, c’est la Commission judiciaire qui doit rédiger les dispositions préparant le terrain à la procédure de mise en accusation. Ainsi les députés du Congrès vont évaluer les chefs d’accusation et éventuellement décider ou pas de voter la mise en accusation. Mais il faut aussi faire la différence entre le processus de mise en accusation et la destitution. C’est aux sénateurs que revient la charge de voter ou non la destitution du président. Ce vote de sénateurs se tient généralement sous la présidence du président de la cour suprême.

Cette histoire de destitution, y a-t-il eu des précédents ?

Oui, deux présidents américains ont été soumis à la procédure de destitution dans l’histoire américaine. Il s’agit de Bill Clinton en 1998 et d’Andrew Johnson en 1868 mais aucun d’eux n’a été destitué par le Senat. Cependant une enquête pour aboutir à la mise en accusation a été engagée contre le président Richard Nixon en 1974 mais celui-ci a démissionné avant que les membres du Congrès n’entament la procédure de destitution.

Interview réalisée par Moustapha Hamid