TCHAD/TRANSITION….L’UNDR et PLD semblent totalement en accord avec l’analyse de l’enseignant de l’université Moustapha Abakar Malloumi

Le 2 mai 2021, plusieurs formations politiques dont celles de Kebzabo, Alhabo et Lazina ont accepté d’entrer dans le gouvernement de transition. Pourtant, ces partis étaient, il y a encore quelques semaines, très actifs sur le terrain de la contestation. Du radicalisme béat, ils semblent maintenant privilégier le réalisme politique et donc à bas la politique de la chaise vide, du moins à en croire les explications, ci-dessous, données hier 14 mai 2021 par Saleh Kebzabo, leader de l’UNDR.

“Avec l’UNDR, j’ai choisi des méthodes de combat différentes. Nous avons fait un choix pragmatique, imposé par les moyens qui sont à la disposition du parti. Nous ne sommes pas des vendeurs d’illusions et nous ne ferons jamais rêver les Tchadiens d’un changement qui n’existe pas pour le moment, et pour lequel nous devrons encore batailler très dur pour empêcher le CMT de confisquer le pouvoir. Je comprends aussi que ce choix est difficile à accepter par des milliers de jeunes assoiffés de changement et qui le souhaitent tout de suite, mais qui oublient que le changement doit être méthodique et non-radical. Je parle là par expérience: après plus de 25 années dans l’opposition, le choix radical n’est productif….Pour ceux-là qui ont choisi la rue et l’opposition radicale, je leur souhaite bon vent et beaucoup de réussite”.

Cette position de Kebzabo et probablement celles des autres leaders cités ci-haut s’arriment totalement sur l’analyse de notre contributeur et enseignant en relations internationales de l’université de Ndjamena Moustapha Abakar Malloumi.
Nous avons choisi de revenir, ci-dessous, sur ces opinions émises lors d’une interview qu’il nous a accordée le 27 mars dernier.

TCHADMEDIA EDITION DU 27 MARS 2021

PRÉSIDENTIELLE 2021…Quelle explication au silence de la communauté internationale face à l’interdiction de la marche au Tchad?

A l’instar des marches précédentes, celle du 27 mars ne sera-t-elle pas étouffée dans l’oeuf? Ne ressemblera-t-elle pas à la marche du 20 mars dernier oú quelques poignées de personnes ont à peine entamé à marcher, lorsque la police les a dispersées à coups de lacrymogène?
La grande interrogation est le silence de la communauté internationale. Y-a-t-il une explication dans ce mutisme? Nous nous sommes rapprochés de notre analyste des actualités Moustapha Abakar Malloumi, par ailleurs enseignant en relations internationales et communication à l’université de Ndjamena et HEC TCHAD, pour en savoir davantage.

TCHADMEDIA: Pourquoi ce silence des occidentaux face à l’interdiction des marches de ces derniers jours?

MOUSTAPHA ABAKAR MALLOUMI: aussi paradoxal que cela puisse paraître, la communauté internationale ne semble pas se sentir à l’aise avec certain type de marches même pacifiques. Par exemple, le genre de marches basées sur le postulat d’accepter tout sauf un 6e mandat du candidat du parti au pouvoir. Cette posture traduirait deux choses: l’intransigeance des initiateurs de la marche et la volonté de bloquer un processus démocratique. Cette posture est susceptible de s’inscrire en porte à faux avec les valeurs démocratiques qu’officiellement tenterait de prôner la communauté internationale.

TM: La marche pacifique est autorisée par la constitution!

MAM: Le 6e mandat est aussi autorisé par cette même constitution.

TM: Mais une marche pacifique fait partie d’une culture démocratique, non?

MAM: Tout à fait mais pourvu qu’elle réponde, à mon avis, à deux critères : elle doit être motivée par une raison valable et elle ne doit pas porter préjudice à la démocratie. C’est exactement la même chose pour la liberté d’expression. Dès lors qu’elle menace ou met à mal, disons, la cohésion nationale, elle cesse d’être une valeur démocratique. Par exemple, l’ancien président américain Donald Trump est jusqu’aujourd’hui censuré sur Facebook, Twitter, etc, à cause de ses messages susceptibles d’attiser la haine dans la population américaine.
Pour notre cas d’espèce, la marche du 20 mars dernier ou celle prévue pour le 27 mars prochain revendiquent l’arrêt d’un processus électoral. Or, ce processus est issu d’un jeu démocratique élaboré et mis en place par la classe politique à travers le cadre national de dialogue politique, lequel par ailleurs est soutenu par les partenaires techniques et financiers du Tchad.
Cette même communauté internationale représentée par les partenaires techniques ne peut pas faire une chose et son contraire, c’est à dire aider à mettre en place un processus électoral et cautionner une dynamique qui vise à porter atteinte à ce même processus.

TM: Les initiateurs de la marche ne sont pas contre le processus électoral mais ils refusent un 6e mandat du président Déby.

MAM: tout à l’heure je faisais allusion à un critère de raison valable. Dès lors que le but de la marche est le refus d’un 6e mandat, les organisateurs seraient susceptibles de se retrouver hors jeu aux yeux de la Communauté internationale puisque la constitution tchadienne permet un autre mandat au président sortant. Donc la raison avancée pour cette marche serait difficilement soutenable.

TM: Oui mais cette constitution n’est pas du goût de l’opposition politique puisqu’elle est le fruit du forum national contesté.

MAM: Justement pour les partenaires du Tchad notamment les États-Unis, la France, l’Allemagne et l’Union européenne, il ne fallait pas bouder le forum. Il faut y participer pour influencer les décisions. En misant sur la politique de la chaise vide, l’opposition a offert l’opportunité à l’adversaire politique pour insérer des dispositions taillées sur mesure. C’est de la bonne guerre, c’est de la bonne politique!
Maintenant, en voulant bloquer le processus électoral en cours, l’opposition donne l’impression de vouloir éteindre le feu en aval alors qu’il faudrait le prévenir en amont. Et un tel type de marche qui ne vise qu’à obstruer le cours d’un processus électoral légalement établi serait de facto incompatible avec la culture démocratique. C’est probablement la raison principale de l’absence de réaction de la communauté internationale contre l’interdiction de ce genre de marches par les autorités tchadiennes.

TM: Donc, la communauté internationale va continuer à garder le silence.

MAM: Je ne serai pas étonné si elle continue à demeurer silencieuse. Cependant si davanture elle réagit, je ne la vois pas en train de condamner le gouvernement tchadien mais plutôt inviter les deux parties à privilégier le dialogue.

TM: Alors maintenant qu’est-ce qu’il faut faire? Qu’est-ce que l’opposition doit faire?

MAM: pour avoir participé, dans le cadre de mes fonctions antérieures, à plusieurs discussions politiques entre les partenaires techniques du pays et la classe politique tchadienne, j’ai compris que la communauté internationale apprécie peu des positions intransigeantes et la politique de la chaise vide. Fort de cette expérience, je crois qu’il est dans l’intérêt des partis de l’opposition de laisser le processus électoral se dérouler normalement et se préparer sérieusement à présenter aux partenaires techniques du Tchad des propositions pour améliorer le prochain processus électoral.

TM: des propositions, les partis de l’opposition en ont toujours fait. Par exemple, ils ont toujours et jusqu’ici reclamé un dialogue inclusif. Ne trouvez-vous pas que c’est une demande légitime ?

MAM: Je trouve que cette proposition vise à lier la main du parti au pouvoir. Je crains que les partenaires du Tchad trouvent cela trop radical comme exigence. Je crois que les partenaires apprécieraient mieux si l’opposition arrive à faire des propositions pour améliorer progressivement ce qui existe déjà et de fil en aiguille atteindre à la longue le résultat escompté.

TM: Merci beaucoup pour cet éclairage et nous allons certainement revenir vers vous pour d’autres sujets d’intérêt national.

MAM: Tout le plaisir est pour moi.

Interview réalisée par Nestor Yaldé
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